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Tagadam Soins Soins
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13 février 2019

Tout sauf le lit...

 

lit baldaquin

8h45, les talons de mes bottes font « cloc, cloc, cloc, cloc » sans relâche jusqu'à la porte coupe-feu du local. Aujourd'hui je ne suis pas dans mon service, je ne chausserai pas mes baskets, je n'enfilerai pas ma tunique ni mon pantalon à élastique qui descend tout le temps et que je remonte sans arrêt sans même m'en rendre compte. Accroupie pour prendre un pilulier, quand je me relève (en pensant à mes quadriceps de rêve), je relève en même temps mon pantalon, accroupie pour une prise de sang, quand je me relève (en pensant à mon genou qui vient de grincer), je relève mon pantalon, accroupie pour prendre une poche de polyonique glucosé, quand je me relève (en pensant à mon fessier de Beyonce), je relève ce fichu pantalon et ainsi va la journée dans cette tenue toujours impeccable au début, aux tâches suspectes à la fin, si suspectes qu'on se demande qu'est-ce que ça peut bien-être et comment on s'y est pris pour que ça arrive à cet endroit là : un trait marronâtre sur l'épaule, une auréole écrue au dessus de la cheville ou encore plus suspect, une bonne tâche que tout le monde a vue sauf toi au niveau des fesses (cette fois c'est loin du popotin de Beyonce!)

 

Cloc, cloc, cloc, je rentre dans le bureau. Je pense aux vestiaires que je rejoindrai dès demain. Demain c'est la Saint Valentin. Moi je la passerai avec mes collègues, ceux avec qui je partage tout. Les rires gutturaux, les fou-rires de sorcière, les chants à tue-tête qui te viennent à l'esprit dans n'importe quelle situation...

 

« Karine, tu me donnes un crayon ? »

 

Je te donne toutes mes différences, tous ces défauts qui sont autant de chance

On s'ra jamais des standards, des gens bien comme il faut

Je te donne ce que j'ai ce que je vaux

 

Il faut mettre les perf de Me C., j'ai besoin d'aide parce que je risque de me prendre un coup. Me C, sourit et répond aux questions sans poser de problème mais dès qu'on approche de trop prêt, ça peut partir comme ça, sans alerte. Ma collègue, E., a les bras plein de matériel, je l'aide sans qu'elle ne me le demande, elle vient me prêter main forte sans qu'un mot ne soit sorti de ma bouche, on se comprend rien qu'en se regardant, ça tourne comme ça à l'hôpital, parfois on aimerait que ça tourne comme ça à la maison aussi.

 

On parle d'autre chose, on détourne un peu l'attention de Me C., pour qu'elle vive le soin autrement qu'un placage contre la barrière de sécurité, un passage de compresse glacée sur la peau, celle-ci pincée fermement pour y planter un cathéter, y coller un pansement qui va gratter et envoyer le polyonique en comptant machinalement les gouttes.

Bim ! Le coup part ! Je reste concentrée car j'ai mon aiguille dans la main, dangereusement orientée vers le visage d' E. « Je ne voudrai pas que tu deviennes borgne »

 

Born, Born to be alive, Born to be alive

 

Et c'est parti ! On l'entendra jusqu'à la fin de la journée, à moins qu'une autre chanson nous rentre dans le crâne. On rit, le cathéter est en place, j'aide E. à faire le lit de la voisine. Il y a des tâches sur le lit, rien qu'en regardant les draps on sait ce que la dame a eu au petit déjeûner : café, pain beurre.

 

Couleur, café, que j'aime ta couleur, café

 

 

Voilà, le tour va continuer ainsi, à partager les corvées, à partager des conversations, à partager des rires ou des choses moins drôles, à partager un café et quelques chocolats apportés par la famille de Mr R. qui s'en va demain

 

Chaud, cacao, chaud !chaud !chaud !chocolat !

(Elle revient souvent celle-là!)

 

On va partager aussi les cris des gens qui ne se sentent pas bien, les plaintes de ceux qui ne font que ça, se plaindre (nous aussi on a des râleurs professionnels dans l'équipe d'ailleurs), on va partager le repas. Puis à la fin de notre journée, on partagera tout ce qui s'est passé avec la relève, avec la « contre-équipe », on va se charrier, parfois se complimenter sur une coupe de cheveux ou une paire de boucles d'oreilles. On fait tout ensemble, même les fêtes, Noël, notre anniversaire, la galette des rois, nos tuniques et nos pantalons à élastique qui ne tient pas sont lavés au même endroit, on s'habille et se déshabille dans le même vestiaire en continuant de pipeletter, une vraie « famille » avec ses habitudes et ses rituels.

 

On partage tout à l'hôpital, tout finalement, sauf le lit !

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Commentaires
B
sur de cela ...👍👏💋
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