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Tagadam Soins Soins
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27 octobre 2016

Allô! Non mais Allô quoi!

Téléphone

Les tâches administratives attribuées aux infirmiers sont nombreuses, très nombreuses, trop nombreuses... Nous entrons dans nos dossiers de soins des quantités d'informations concernant le patient, son mode de vie, son entourage, sa pathologie, ses antécédents médicaux et chirurgicaux, ses traitements, ses constantes, les examens qu'il a eu ou qu'il va avoir, le nombre de fois où il va faire pipi ou popo. Bref, la moindre chose que nous faisons, nous le traçons sur notre dossier de soin.

Enfin, la moindre chose que nous faisons concernant le patient soyons précis. Si nous, nous allons (par miracle) aux toilettes, on garde ça gentillement pour nous.

Pour récolter certaines données, obtenir les horaires de rendez-vous, communiquer des informations aux médecins traitant, aux infirmiers à domicile, à l'entourage, aux professionnels qui interagiront dans la prise en charge du malade, nous sommes dotés d'un outil indispensable sans lequel l'hôpital s'arrêterait de tourner s'il en était dépourvu. Toujours dans notre poche, sur notre chariot et principalement greffé à notre oreille : le téléphone.

Il sonne sans relâche, à longueur de journée, nous décrochons, raccrochons, nous nous présentons un nombre incalculable de fois dans la journée. Il m'est arrivé de vouloir recenser le nombre exact de fois où j'ai décroché et dit avec un entrain à toute épreuve : « Médecine post-urgence, bonjour ! » mais la tâche plus que laborieuse fût interrompue car je me suis perdue dans les centaines de petits bâtons cochés sur ma feuille de transmissions qui n'était pas toujours à portée de main. En effet, nous répondons au téléphone partout, en toute circonstance sinon il sonne, sonne et sonne encore jusqu'à vous rendre fou. Ou jusqu'à contacter votre chef de service qui vient vous remettre en main propre votre « greffon » que vous avez déposé sur sa base le temps d'aller vider votre vessie et que vous avez, par un acte manqué, oublié de récupéré en sortant.

Tout cela commence dès le début de votre journée, à peine sorti d'une chambre ou en pleine préparation d'une perfusion, le greffon sonne.

Driiiing

« Médecine post-urgence bonjour ! »

« Oui c'est le technicien de biochimie, le prélèvement sanguin de Mr Machin est hémolysé, on ne peut pas interpréter les résultats. »

Il n'y a plus qu'à aller repiquer Mr Machin, il sera ravi.

Driiiing

« Médecine post-urgences bonjour ! »

« C'est le labo d'hématologie, le tube de Mme Truc n'est pas assez rempli, on ne peut pas calculer sa coagulation. »

Super, Mme Truc n'a pas de veine et il faut refaire sa prise de sang, je vais me débrouiller. Je suis sûre qu'elle appréciera d'avoir un garrot autour du mollet et une aiguille dans le pied pendant qu'elle boit son café.

Driiiing

« Médecine post-urgences bonjour ! »

« Bonjour, c'est les EEG (électro-encéphalogramme), on a un créneau là, tout de suite, vous pouvez lancer le brancardage pour Mme Bidule ? »

« Je suis en train de faire une prise de sang, je fais ça dans cinq minutes, ça vous va ? »

« Ah mince, dans cinq minutes... Il vaut mieux le faire tout de suite sinon on met quelqu'un d'autre sur le créneau. »

« OK, je fais ça tout de suite... »

« Bonne journée »

« Oui merci, à vous aussi »

Armée de mes gants j'essaie de pianoter la demande de brancardage sur mon PC, c'est fait. Je change de gants, je regarde Me Truc et son mollet bleu fluo. Je change de mollet.

Le téléphone sonne, je décide de ne pas répondre et de terminer la prise de sang infernale.

Driiiing Driiiing Driiiing Driiiing

Il me faudra trois aiguilles, heureusement la dame est gentille et boit son café en m'expliquant que les infirmières à domicile n'ont jamais réussi à la piquer, qu'il faut appeler un infirmier anesthésiste au bloc opératoire sinon ça ne marche jamais. Concentration, aiguille pour enfant et tube dégainé, les gouttes de sang tombent laborieusement, une à une, à la vitesse d'une goutte toutes les deux secondes dans la solution héparinée au fond du petit récipient en plastique, au rythme de la sonnerie du téléphone, comme une musique de fond, comme la bande originale d'un film chiant à mourir, mon dos plié en deux, ma tête au dessus des pieds de Mme Truc qui Dieu soit loué, ne bouge pas d'un millimètre.

Mon tube est rempli, Alleluia !

Driiiing

« Médecine post-urgences bonjour ! »

« Bonjour, je voulais savoir comment c'était passée la nuit pour mon père. »

« Oui ? »

« Mon père est chez vous, depuis hier, comment s'est passé sa nuit ? Il va bien ? »

« C'est qui votre père ? »

Conversation très fréquente qui a le don de vous mettre de bonne humeur quelle que soit l'heure de la journée...

Driiiing

« Médecine post-urgences bonjour ! »

« Oui c'est encore moi, je voulais vous dire que mon père avait rendez-vous chez l'ostéopathe cette après-midi, est-ce que vous pensez qu'il sera sorti ou sinon vous annulez. »

Heu... Comment vous dire ça poliment...

« Votre père ne sortira pas aujourd'hui, je ne pense pas, les médecins pensent qu'il doit rester hospitalisé pour continuer les examens et débuter les traitements adéquats. Il vaut mieux que VOUS annuliez ses rendez-vous. »

« Moi ? Mais je ne connais pas l'ostéopathe et encore moins son numéro ! »

Attendez Madame, je vais consulter ma boule de cristal et vous donner son numéro de ce pas...

Driiiing

« Médecine post-urgences bonjour ! »

« Oui c'est l'EEG, on attend Mme Bidule. »

« Oui, oui, elle vient juste de partir, elle arrive. »

Je cours vers la chambre de Mme Bidule, les brancardiers sont là, Mme Bidule est réticente, elle n'a pas fini son thé, elle les insulte et ne veut pas mettre sa chemise de nuit...

Je retourne discrètement finir mon tour de médicaments. Il est 8h15, il me reste 9 patients à voir et encore une prise de sang à refaire avant 8h45.

Driiiing

« Médecine post-urgences bonjour ! »

« Bonjour, c'est Jocelyne aux urgences, on doit vous monter un jeune qui a fait un pneumothorax, sa chambre sera prête quand ? »

« Alors, là dans l'immédiat ce n'est pas possible, les gens qui sortent ne partiront qu'en début d'après-midi. »

« Quoi ? Mais c'est pas possible, il a passé toute l'après-midi et toute la nuit sur un brancard, il est fatigué et il a mal. »

« Oui, je me doute mais là on n'a pas de lit disponible... »

« Bon, je vais voir directement avec la pneumologie. »

Il aurait peut-être fallu voir ça dès la veille plutôt que d'attendre une place ici Jocelyne, je dis ça je dis rien.

Cinq minutes de répis avec le greffon qui ne sonne plus. Bizarre, j'appuie sur les touches histoire de vérifier que j'ai bien raccroché. Bingo ! Quatre minutes cinquante qu'il est décroché, cela dit, ça m'a permis de redescendre un peu et de m'occuper des personnes que j'ai à charge.

Driiiing

« Médecine post-urgences bonjour ! »

« Bonjour, je suis la fille de Mme Intel, on m'a dit qu'elle était chez vous. »

« Mme Intel ? Non, elle n'est pas chez nous, il faut rappeler le standard. »

« Mais si elle est chez vous. »

« Non, non Madame, elle n'est pas hospitalisée ici, je vous repasse le standard, ne raccrochez pas. »

« Mais elle est où alors ? »

Attendez, je regarde ma boule de cristal je vous dis ça tout de suite...

 

 

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