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Tagadam Soins Soins
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15 octobre 2016

Monsieur A.

là haut

Monsieur A. est désagréable, ne se laisse pas approcher, tape les infirmiers et les aides-soignants qui veulent lui prodiguer les soient élémentaires qu'il ne peut plus faire seul. Il est depuis plusieurs jours dans le service dans lequel les patients ne peuvent pourtant rester que soixante-douze heures au maximum. Il vit dans un centre d'hébergement d'accueil temporaire pour personnes âgées ne pouvant plus vivre chez eux et son hébergement s'est achevé hier. Ce centre refuse donc de le reprendre malgré qu'aucune maison de retraite n'ai répondu favorablement pour le prendre en charge pour ses vieux jours. Il a déjà été hospitalisé dans les services du Centre Hospitalier Universitaire à maintes reprises, établissement public, mais ces services connaissant bien Mr A. et ayant rencontré les mêmes difficultés face à ce patient agressif, refusent de l'accueillir en hospitalisation...

Oui, sachez que si vous êtes seul, sans logement, dément, malade, bref, complètement démuni, que vous pensez que les services publics vont pouvoir vous aider, vos risquez d'être déçu puisque de nos jours, même les établissements publics s'octroient le droit de vous fermer leur porte. Là, nous pouvons utiliser ce vieux proverbe utilisé à tout bout de champ, mais cette fois-ci à bon escient : c'est l'hôpital qui se fout de la charité...

Ce petit coup de sang couché sur papier, revenons à Mr A. Oui il est méchant, mais moi je l'apprécie. Notre premier contact fût mémorable :

« Bonjour Monsieur ! Bien dormi ? »

« Ta gueule »

Bien, je vois le genre, ce n'est pas ma première insulte, ça m'a tellement soufflé que je n'ai pu m'empêcher de rire. Je rêve de pouvoir faire ça aux gens qui m'énervent, quand je n'ai pas envie de parler, quand je suis de mauvais poil. Mais je n'ai jamais osé, filtre social, cordial et bienséance oblige. Pourtant bon sang que ça doit faire du bien !

J'ai pu faire l'expérience de la spontanéité des enfants qui disent exactement ce qu'ils pensent, sans utiliser les codes de politesse qu'ils ne maîtrisent pas encore. Mon fils par exemple, marchait à mes côtés en sortant de l'école l'année dernière, il avait alors trois ans, nous étions derrière une dame ayant un arrière train proéminent. Et là, tout haut, il me dit :

« Eh maman, t'as vu la grosse mèmère ! »

Ce qui n'a pas manqué de choquer la dame en question qui m'a fusillé du regard chaque fois que nous la croisions à l'école, soit deux fois par jours, deux cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq (en gros).

Et bien ces mots sortis sans filtre, passé un certain âge, reviennent. Disons que nous, adultes sociables et plutôt bien insérés, mesurons nos paroles afin de ne pas blesser l'autre et de conserver notre place au sein d'un groupe. Et bien les vieux, les conséquences de leurs paroles, ils s'en foutent. Et qui peut leur en vouloir ? J'ai appris à ne pas me formaliser, voire j'apprécie cette franchise sans borne.

Ce matin, Mr A. était fatigué, recroquevillé dans son lit, sur son matelas à air dynamique indispensable pour que les escarres qu'il a dans le dos et sur les pieds ne le fassent pas trop souffrir. Ses pansements se sont décollés, je dois les changer. Je vais dans sa chambre avec mes antalgiques pour pouvoir nettoyer ses plaies une demi-heure plus tard, sans que ce ne soit trop pénible, pour lui comme pour moi car avec sa morphine les coups sont moins puissants. Il ne veut pas de ces médicaments d'habitude, mais commençant à cerner un peu le personnage, j'ai trouvé une astuce, je lui dis que ce sont des « louzous pour le cœur » (louzou = comprimé en breton, Mr A. est breton). Il me répond :

« J'en veux pas »

« Pourquoi ? »

« Parce que je n'ai pas de cœur »

Et là, petit clin d’œil et il avale ses louzous.

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